Ecotrail de Paris 80kms

Quand un routard comme moi débarque à la base de loisirs de Saint Quentin en Yvelines pour prendre le départ de l'EcoTrail 80kms il vit un petit malaise. Comme s'il n'était pas vraiment dans son monde. Ici les coureurs arborent tous des T-Shirts finishers de la CCC, du marathon des sables ou de je ne sais quel ultra avec un kilométrage proche ou au delà des 3 chiffres et un D+ qui les dépasse allègrement. Petit soulagement quand je vois un coureur vêtu fièrement de son maillot "Finisher marathon de Paris"...presque grotesque dans le contexte mais rassurant. Je fais la photo avec le groupe de Kikourou, je n'y connais personne mais après tout je me suis manifesté sur le forum et j'ai surtout lu en long, large et en travers toutes les infos que je pouvais y glâner sur le post dédié. Grâce à eux je connais parfaitement le parcours sans même l'avoir fait une seule fois, quelle chaussures je dois mettre, les erreurs à éviter, le contenu des ravitos...bref une mine, merci à eux. La photo faite je file dans le sas avec des copains de Strava, nous ne sommes pas trop mal placés. Je suis le seul de mon champ de vision en "court" c'est à dire short + T-Shirt mais c'est probablement parce que j'envisage de finir avant la nuit que je n'ai ni manchons, ni veste. Le départ est donné et je m'élance.

On m'a prévenu 25 fois: ça va partir vite. Je le comprends ceci dit: lâcher 2000 coureurs chauffés à blanc et prêts à en découdre dans un terrain vague qui ne demande qu'à être traversé, ça dépote forcément. De mon côté je pars trèèèès prudemment, je suis vraiment dans le peloton. Un peu dur de doubler même sur les 3-4 premiers kilomètres tellement c'est dense mais comme la route va être longue je patiente gentiment. Je sens une petite gêne au pied et m'arrête refaire mon lacet, en fait j'ai vraiment l'impression de faire un footing, perdre 3 minutes pour faire mon lacet n'est absolument pas gênant. Je me cale entre 4'15 et 4'30 au kilo et quitte tranquillement la base de St Quentin en contrôlant l'allure. Je croise une connaissance qui arpente régulièrement la forêt de Montmorency. Lui a déjà 4 EcoTrail au compteur, il connait bien, du coup je reste avec lui, toujours dans mon allure de 4'15-4'30. Et puis discuter un peu avec quelqu'un ça va surement me manquer dans quelques heures donc j'en profite. Néanmoins au bout de 7-8 kilomètres il me laisse partir car le rythme est un peu élevé pour lui. Je continue seul et pépère mon bonhomme de chemin. Il parait qu'il faut vraiment être en dedans au moins jusqu'au ravitaillement de Buc (22ème km) c'est après que ça se complique. Au 13ème kilomètre je double Anne Valéro, au 18ème Sylvaine Cussot et en arrivant au Buc une autre féminine inconnue. Au ravitaillement du Buc (22ème kilomètre) après 1h41 de course je suis 62ème.

Je m'arrête très exactement 1'02 pour me ravitailler correctement et repars. Effectivement les choses sérieuses commencent: d'emblée une bonne côte. Sans hésiter j'applique ma stratégie pour toute la course à savoir: ne pas forcer et marcher. Ainsi le cardio reste bas et je ne tire pas trop sur les cuisses/mollets. Une fois en haut je peux repartir sans difficulté, sur le plat je tourne autour de 4'30/km à 80% de FCM. Le prochain ravito n'est qu'au 45ème, cette portion est longue et autour du 25ème kilomètre ma cheville, qui a fait des siennes ces derniers jours, m'envoie des signaux d'alerte. Aïe me dis-je si elle commence à me faire souffrir est ce que je vais pouvoir aller au bout ? Je passe 5-6 kilomètre avec l'articulation qui me tiraille mais ça finit par passer. Entre le 30 et le 40ème kilomètre je suis bien, j'avance correctement, pas de douleur et plutôt à l'aise. A ce moment je me dis même que ça va être facile d'enquiller ainsi jusqu'au 67ème kilomètre avant de basculer sur les quais. Je continue d'appliquer mon plan de course: je marche dans les côtes et maintiens l'allure sur le plat. Je vois que l'allure moyenne diminue doucement mais ça va c'est contenu. De toute façon je ne me suis pas vraiment fixé d'objectif chronométrique aujourd'hui, simplement de terminer, mais j'ai quand même fait mes estimations et pour passer sous les 7h il faut une moyenne de 5'15/km, je suis pour le moment bien en dessous. Les côtes s'enchainent, les chemins sont très praticables (parfois bien moins larges que ce à quoi je m'attendais), je maintiens mon rythme. Autour de moi il n'y a pas grand monde, il n'est d'ailleurs pas rare que je n'ai personne à suivre et que je doive être vigilant à la fois à mes appuis et au parcours pour ne pas m'égarer. Ca fait beaucoup de choses pour m'occuper l'esprit tout ça et les kilomètres se déroulent petit à petit. Je surveille aussi souvent l'allure pour éviter de m'emballer et en regardant ma montre je vois "42.2kms" - sourire - je viens de courir un marathon et très franchement je n'en ai pas l'impression. Moi qui pensais que ce passage me laisserait une sensation psychologique particulière je le vis plutôt sans aucune différence avec les kilomètres précédents. Pas de feu d'artifice mental, pas de clairon, rien. En fait j'attends patiemment le ravitaillement de Meudon et celui ci est très exactement au 45ème kilomètre, bravo l'organisation d'ailleurs car c'est extrêmement précis. Je ne m'y vois proposer que de l'eau ce n'est pas vraiment un ravitaillement mais ça me suffit, pour me nourrir j'ai emporté avec moi gels, barres et morceaux d'emmental (bah quoi ?), bref que des trucs testés à l'entrainement. Depuis le départ je mange un de ces différents trucs toutes les 45 minutes pour éviter l'hypo comme sur le MaxiCross de Bouffémont. Je bois régulièrement aussi même sans soif et ce point d'arrêt me permet de remplir mon Camel Back. Meudon, 1'35 d'arrêt - 45ème kilomètre et 3h47 de course (2h05 pour les 22,6km depuis Buc). Passage en 41ème position.

Allez c'est reparti: 10kms à faire avant le ravitaillement de Chaville. Virage à droite, descente, je regarde ailleurs et BAAAOOOUUUM ! La cheville qui cède. Douleur fulgurante. Le réveil de la torsion de ces jours derniers. Ah c'est foutu, je peux à peine poser le pied...ah putain quelle merde je suis hors de moi. Une erreur d'inattention sur un chemin qui n'avait rien d'accidenté. Quel con alors ! Je m'en veux...Ah put*** de bordel !!! Je boitille à chaud pour tenter le coup, mais je boitille bien, il reste 35kms c'est pas jouable. Pourtant j'insiste, lentement, boitant...et puis vient un peu de bitume, ça descend doucement et je sens que la douleur s'estompe. Il y a pas à dire les sols stables c'est bien quand on est habitué à la route, la cheville se remet et moi je reprends espoir. Lentement mais surement la situation s'améliore et bientôt je n'y pense même plus, mais j'ai eu chaud...pfiou ! Passons à autre chose, du moins je l'espère. J'opère pendant plusieurs kilomètres un chassé croisé avec la première féminine, Simona une italienne. Elle n'a pas vraiment l'air au mieux mais elle avance bien dans les côtes, je la reprends sur le plat, bref on se croise. Côté gestion de course la stratégie ne change pas: je m'alimente toutes les 45 minutes, marche dans les côtes, ça fonctionne bien. Je surveille l'avancement du kilométrage mais aussi du D+ cumulé, c'est un bon indicateur car je sais que la course prévoit 1300m de D+, ça me permet de situer par rapport aux difficultés passées et à venir. Sur ces deux plans (kms et D+) je vois que j'ai fait plus de la moitié et maintenant j'ai en ligne de mire des ravitaillements assez proches puisque Chaville arrive déjà (km 55) après 4h45 de course (55'50 pour les 10kms depuis Meudon), je suis 40ème. Je ne m'attarde pas trop mais m'arrête tout de même 2-3 minutes (2'38) pour remplir la poche et blaguer avec les bénévoles, Simona elle fonce sans même s'arrêter.

Je repars direction Sèvres (km67) et le dernier ravitaillement. Il faut que je tienne jusque là, après c'est les quais, la route ça ira mieux. Mine de rien le kilométrage commence à faire son effet, la lente érosion des fibres musculaires se fait sentir mes jambes sont de plus en plus lourdes et dures. Rapidement après ce ravitaillement de Chaville je croise Antoine et Martin qui m'accompagnent pour quelques kilomètres. Ils se montrent très rassurants quant à mon allure et celles de mes prédécesseurs, pourtant j'avance de moins en moins bien. Entre 4'45 et 5'00 sur le plat (toujours autour de 80-82% FCM), l'allure moyenne dépasse légèrement les 5'15/km visés. Bon ça ne m'inquiète pas plus que ça l'objectif principal c'est d'arriver entier à la Tour Eiffel. Nous repassons devant Simona, le chassé-croisé continue. A partir du kilomètre 60 je pioche sérieusement, ça devient difficile. Je sens que le manque de sortie longue est en train de se manifester. Ma plus longue sortie à l'entrainement aura été de 2h40, mon temps de course du jour est bien au delà. Tenir, jusqu'au ravitaillement, après...après on verra mais je serai sur la dernière portion ça devrait passer. Paradoxalement j'en viens à espérer qu'une côte se dessine devant moi, une côte ça veut dire marcher un peu, récupérer...c'est le monde à l'envers ici on récupère dans les portions difficiles ! De toute façon maintenant la moindre butte me fait marcher, le moindre virage me met quasiment à l'arrêt, bref je n'avance pas et le kilométrage n'avance pas vite. Dans Fausses-Repose je croise Serge qui fait des photos, ça me permet de penser à autre chose pendant 3 minutes. Antoine et Martin sont toujours là à me soutenir et à force de patience j'approche finalement de Sèvres, je laisse mes acolytes et fais une courte pause au dernier ravito. 67ème kilomètre pointé en 37ème position avec 5h55 de course dans les gambettes (1h07 pour les 12kms depuis Chaville). Je m'arrête très exactement 2'40 bien que je ne remplisse pas la poche cette fois. Simona passe en coup de vent, de mon côté je vois la tour Eiffel et repars en marchant dans un premier temps puis en trottinant.

Grande descente, attention les appuis car la fatigue me fait perdre en lucidité. Après la descente: les quais, ah ça va mieux là. Je reprends Simona très vite, elle s'inquiète d'un retour de la deuxième et m'interroge à ce sujet. Je lui dis que je n'ai vu personne mais que j'ai doublé les autres féminines avant Buc donc impossible de savoir où elles en sont. Néanmoins je pense que si elle s'accroche un peu elle devrait pouvoir maintenir son avance et remporter la course. Je rattrape des retardataires du 50kms et ai en ligne de mire un coureur du 80. Je le rattrape puis un autre fait son apparition. J'avance bien, plutôt autour de 4'35/km et remonte donc mes concurrents mais ils sont peu nombreux. Je suis un peu paumé sur les quais, heureusement que le balisage est bien fait comme sur l'ensemble du parcours car j'avance tout de même au radar. L'arrivée approche ça fait du bien. Mais elle se fait attendre, j'ai beau avancer convenablement je commence vraiment à en avoir plein les bottes. Au passage je loue ma sagacité (oui j'en suis à me jeter des fleurs) d'avoir eu la lucidité de ne pas partir en chaussures de trail. Les pompes de routes suffisaient largement compte tenu de la météo très sèche depuis plusieurs jours mais surtout il y a pas mal de passages sur bitume tout de même dont ces derniers kilomètres qui auraient pu être très traumatisants en trails. Je rattrape un dernier coureur et vois devant moi la silhouette de la dame de fer apparaitre (enfin). Quelques ronds dans l'eau sur les quais pour prendre une allée au milieu de la Seine et là je sais que j'en termine. C'est ici que je m'échauffe pour Paris-Versailles, c'est vraiment à côté. Phinic est là, super sympa il est venu caméra au poing et me filme le temps de quelques foulées. On discute rapidement et quand il me laisse je suis vraiment au pied de la tour, j'arrive à la bifurcation des arrivées. Pour le 80kms c'est direction le pilier Sud ! Je passe sur une estrade avant le pilier, là j'ai la pêche ! Le speaker donne mon nom, j'harangue la foule, je suis au top ! Je déboule dans le pilier comme une furie bien décidé à gravir ces marches 4 à 4. Enfin une par une finalement, mais en courant. Au bout de 200 marches je flanche un peu quand même, et marche à mon tour. Je suis dans les escaliers quand j'entends d'en bas le speaker annoncer l'arrivée de la première féminine, c'est mon inconnue du Buc ! Derrière Sylvaine Cussot est à ses trousses et Simona finira 3ème. Quand à moi je jauge du peu de distance qui me sépare avec ce premier étage et trottine de nouveau, en fin de compte j'aurai seulement marché sur deux séries de marches. Puis, d'un seul coup, devant moi: plus de marches, le tapis rouge ! Putain c'est bon ça, je fais 10 foulées dessus tout sourire et, 6h53 après être parti de St Quentin, franchis la ligne d'arrivée tambour battant devant un parterre de photographes, en attente des femmes certainement mais qui flashent abondamment quand même.

Je me classe 32ème et 18ème SH, je suis très heureux car aujourd'hui j'ai coché toutes les cases. Je voulais finir ces 80kms en un seul morceau et idéalement sous les 7 heures c'est très, très satisfaisant. C'est la première fois que je montais au delà de 42kms et vraiment c'est une belle réussite de mon point de vue, pour une première sur de l'ultra (c'est comme ça qu'on dit non ?) je suis content de ma gestion course/alimentation. Pourtant avec le recul l'analyse de ma course montre un départ légèrement trop rapide: la FC est plus haute sur les 30 premiers kilomètres que sur les 30 derniers. C'est perfectible mais je m'en suis bien sorti tout de même et, cerise sur le gâteau, le chrono est au rendez vous :) Je récupère ma médaille et, transi de froid, pars sans tarder au stade proche de la tour où m'attendent douche et repas chaud. Une très belle expérience ce 80kms, parcours très sympa à l'exception des derniers kilomètres sur les quais.

Photos: Frédéric Poirier, Guillaume Dupré, Le Bagnard de Kikourou, Serge Milon, Gui Fav, Flash-Photo

Le 23 Mar 2015 Aurélie a dit:

Quel talent ! Bravo pour ton premier ultra :)

Le 23 Mar 2015 Fred a dit:

Top !

Le 23 Mar 2015 Bruno a dit:

Toujours sympa tes cr! un premier pas dans l'ultra ;o))
cool

Le 23 Mar 2015 JM a dit:

hello un vrai plaisir a lire! Très jolie perf champion

Le 24 Mar 2015 Arthur a dit:

Ouf, j'ai eu peur que tu fasses un CR km par km.

The iron man meets the iron lady. Et avec les formes et la forme.

Tres bel effort




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