Engadin SwimRun

Il y a des courses qu'on a un peu moins envie de raconter que d'autres mais voila c'est comme ça je verse dans la tradition d'après course. Et puis ça me servira surement un jour d'avoir tout ça de noté quelque part. Alors d'abord l'Engadin SwimRun c'est quoi ? C'est du trail entrecoupé de portions de natation. Ca se court en binôme de bout en bout et sans assistance donc il faut impérativement se déplacer avec la combi sur les parties cap et garder les chaussures sur les sections de natation. Il y en a 8 en tout pour un total de 6kms contre 46kms à pied (2000m de D+), bref un gros morceau. Je viens ici avec mon pote Chris, aka Enzo, un spécialiste du long, particulièrement en triathlon au passage et surtout un mec costaud (2ème à l'IronMedoc dernièrement). Bref avant même le départ la course nous l'avons déjà faite 20 fois, nous connaissons le tracé par coeur, les distances de chaque section et toutes les équipes de la startlist qui nous semblent dangereuses. La bonne humeur au sein du groupe de l'US Ivry Triathlon sur lequel nous nous sommes greffés permet de ne pas se laisser envahir par la pression mais nous n'en oublions pas nos ambitions pour autant. 10h de route pour venir jusqu'ici ça n'est certainement pas pour se contenter du paysage, pour nous ça sera un top 5 sinon rien.

On se place bien sur la ligne de départ pour pouvoir rapidement nous mettre à notre allure car un petit single assez étroit devrait nous emmener au premier lac et impossible d'y doubler. C'est donc primordial d'être bien placés. Dès le départ on se met donc à notre rythme, rapide certes mais dans nos cordes et effectivement nous sommes bien placés. Tellement bien que nous sommes premiers :) Nous attaquons donc ce single en tête avec derrière nous Bjorn Englund, champion du monde en titre excusez du peu, et son coéquipier Lelle Moberg. Effectivement ce chemin est très technique, "we're hiking in our wetsuits" me dit Bjorn en souriant. La progression se fait plutôt en marchant qu'en courant. Chris est une dizaine de mètres devant et nous emmène jusqu'à 2200m d'altitude. Malgré l'heure matinale le soleil cogne sévèrement et je rêve de me jeter dans le premier lac venu. Je sue énormément et frôle la surchauffe alors qu'on vient tout juste de démarrer ! J'ai beau ouvrir ma combi rien n'y fait, ça n'est que ce premier lac qui me permet de faire redescendre le thermomètre. Arrivés en tête au premier lac nous sortons de l'eau deuxièmes et, même si je vois bien que j'ai du mal à me mettre en route, le rythme va un peu mieux. On avance correctement et pouvons constater que Bjorn et Lelle avancent un peu moins vite que nous à pied, pour le moment. A mi-chemin de cette deuxième section de cap je commence à souffrir au niveau de la cage thoracique. Trop engoncé j'ai une douleur très prononcée au niveau du sternum. Je ne comprends pas trop ce qui m'arrive mais surtout je suis incapable d'aller à mon rythme. Je vois Chris en pleine forme obligé de se freiner pour m'attendre. Je manque clairement d'air qui plus est, les deux étant probablement liés. La cage thoracique bloquée je ne parviens pas à ventiler correctement. Quelques binômes nous passent devant et c'est très rageant.

La deuxième natation ne se passe pas non plus très bien, handicapé plus qu'aidé par mes plaquettes je suis à la peine. Mais c'est surtout en sortant de l'eau que je perds le plus de force à lutter contre cette douleur et à avancer sans parvenir à respirer correctement. Chris et moi savions que la natation n'était pas mon point fort, pour autant la différence dans l'eau est plus importante que ce que nous imaginions, même après un test ensemble effectué la veille. En revanche je m'attendais à avoir le niveau à pied, peut-être même avec une petite marge et de me voir peiner comme ça, ahaner derrière, quasiment à l'arrêt à la moindre bosse j'ai honte. Je ne comprends pas ce qui m'arrive et j'ai honte. Je me bats mais ça ne suffit largement pas. Et c'est en arrivant à la troisième section de natation que tout se casse définitivement. Dès que j'arrête de courir une crampe foudroie mon mollet gauche et je m'effondre dans l'eau en hurlant. Chris m'aide à m'étirer mais ça passe difficilement. Je finis par me relever mais cette section de natation durera des heures. Bloqué par les crampes, par mon matériel que je gère mal du coup (lunettes pleines d'eau, pull boy qui se fait la malle). C'est une catastrophe, Chris fait ce qu'il peut pour m'aider mais il ne peut pas avancer à ma place. Quand, une fois sorti de l'eau, je tente d'enlever un peu la combi pour m'aider à respirer je perds quasiment l'équilibre. En repartant nous suivons un chemin surplombant de 3-4 mètres le lac d'où nous sortons. Mes pieds ne se lèvent plus, je cogne sur une pierre et incapable de me rattraper tombe lourdement au bord du mini-ravin. Mon matos s'éparpille un peu partout, lunettes, plaquettes mais je ne m'en soucie pas encore car je ne peux tout simplement plus bouger. Je suis tétanisé par les crampes, mollets, quadris tout y passe. Chris m'aide à m'étirer mais chaque mouvement provoque une catastrophe ailleurs. Je gâche complètement sa course et le mec m'aide tant qu'il peut. On est au 17ème km, sur 53, et je vis déjà un enfer. Musculairement je suis déjà hors service, rien ne va. Convaincus de ne pouvoir aller au bout dans ces conditions nous nous asseyons 5 minutes. Je suis atterré. J'avale un peu de magnesium et nous commençons à marcher doucement jusqu'au prochain ravitaillement. Deux kilomètres plus loin ! Bien sûr pendant ce temps des wagons de swimrunners nous dépassent. Chris, quand même c'est un mec en or ce type, me dissuade de repartir car d'après lui je risquerais une contracture, voire une déchirure et il vaut mieux que nous jetions l'éponge. Nous arrivons donc en discutant au ravito suivant mais n'annonçons pas notre abandon. Après tout la journée n'est pas finie autant rentrer au camping par le tracé.

On recommence donc à trottiner doucement, tout doucement. Rien à voir avec le rythme initialement prévu. Pointés en 27ème position nous ne perdons plus trop de places mais progressons uniquement en marchant dans les ascensions et trottinant doucement le reste du temps. J'ai descendu mes chaussettes de compression sur les chevilles, les soupçonnant d'une bonne part de responsabilité dans mon état musculaire. Les transitions en nat sont bien moins rythmées, je prends le temps de mettre la combi correctement...rien à voir avec l'attitude du départ. Dans l'eau la différence entre nous deux s'accentue et je ne parviens pas à suivre du tout, Chris ouvre la route je suis dans ses pieds mais ne parviens pas à y rester. Le corps ne suivant plus je cours avec ma tête et m'accroche à l'idée du hoodie finisher. Pour autant elle ne fonctionne pas très bien non plus ma tête, j'angoisse de rater les cut-offs mais Chris me convainc que nous devrions passer sans problème. Malgré mon état j'apprécie d'être dans cette vallée, le cadre est incroyablement beau et cet enchainement cap/nat s'il ne me réussit pas se révèle un formidable sport nature. Progresser à pied de lac en lac pour les traverser en nageant c'est juste géant, qui plus est dans ce décor exceptionnel. En approchant de Silvaplana je retrouve un semblant de rythme, musculairement le mal est fait donc ça ne va pas bien loin mais je peux de nouveau avancer un peu. Plus aucun de nous ne parle d'abandon. On reprend deux équipes et passons le premier cut-off avec plus d'une heure d'avance, effectivement c'était large. Maintenant on attaque deux grosses sections de natation enchainées (1400m puis 1250m). Chris se met dans ma trace et entreprend de me pousser, avec ses plaquettes (sic !). Je n'avance tellement pas qu'il me pousse par les pieds tous les 10-15 mètres ! Nous mettrons 30 minutes à traverser, c'est long et surtout très frais. Annoncée à 13 degrés les organisateurs ont prévus de la soupe à la sortie d'eau et nous ne nous faisons pas prier. En revanche si avant le lac je commençais à retrouver du rythme l'eau froide a définitivement euthanasié mes muscles. Je boite même en marchant ! Un peu de cap et nous filons nous replonger dans le lac de St Moritz. Celui ci est particulièrement froid. Nous y remontons du monde toujours sur notre rythme de papi avec Chris qui me pousse. Sur la fin l'eau est sous les 10 degrés il faut nager fort pour se réchauffer. Malheureusement pour moi nager fort ne signifie visiblement pas nager vite. A la sortie même topo, les muscles sont out et il nous faut un peu de temps pour pouvoir trottiner à nouveau. Encore un lac à traverser et nous en aurons terminé de cette partie à dominante aquatique. Cette fois c'est court (400m) et chaud (19 degrés) mais c'est aussi très sale. Beaucoup de baigneurs pourtant mais contrairement aux sections précédentes je m'abstiens de boire l'eau du lac. Celle ci est marron et peu engageante. Nous en sortons rapidement et attaquons la dernière grosse section de course: 8kms.

Rythme de papi oblige nous y passerons du temps, je suis Chris comme je peux et lui m'encourage à tenir le coup. Nous rattrapons encore un binôme. Je surveille le GPS pour anticiper la dernière section de natation, celui ci n'avance pas vite. Enfin la route descend un peu et je commence à m'équiper. Ca sent la fin maintenant et j'appréhende un peu. Dernière nat, 400m dans la fraicheur puis c'est le finish. 3kms avant l'arrivée. Nous reprenons une place. Chris est à côté de moi, je vois les banderoles s'approcher. Je vois la finish line qui nous attend. J'ai honte car beaucoup de gens nous applaudissent, nous encouragent, or nous ne sommes pas à notre place. Enfin l'arrivée au bout de 7h25, en 19ème position sur 136 partants (15èmes hommes). Pas de triomphalisme évidemment, Mats (Directeur de course) me prend dans ses bras en me disant que c'est un bon résultat. S'il savait à quel point ça ne l'est pas. Je ne veux que me cacher mais heureusement c'est encore Chris qui m'aide, je me retourne et il lève la main. "Quand même Yo, on est allés au bout !" Je tape dedans, il a le sourire, il est incroyable ce type. Les gagnants, Bjorn et Lelle ont franchi la ligne 56 minutes avant nous. Sur le papier le top 5 parait toujours atteignable...mais avec des si seulement.

Je passerai le reste du week-end à tenter de comprendre, j'ai pas mal pris sur moi pour ne pas plomber l'ambiance du groupe mais une fois tout ça passé j'essaye d'analyser ce qui n'a pas fonctionné. L'altitude a du jouer oui, l'eau froide aussi mais ce contexte était le même pour tous. Je crois que ma combi était vraiment trop serrée, elle serait à l'origine des crampes aux mollets, de ma difficulté thoracique et un facteur aggravant de surchauffe en plein soleil. Il y a d'autres paramètres à améliorer notamment en nat pour homogénéiser le niveau mais le gros point de blocage c'est très certainement la combi. Avec Chris nous refaisons la course 20 fois, des regrets, des remords et beaucoup de frustration. Je suis vraiment désolé mon pote toi tu étais prêt, je te l'ai déjà dit mais vraiment je suis désolé. Rater sa course c'est déjà frustrant, mais faire échouer son pote, ça c'est vraiment dur. Le lendemain, reposés, on va nager tous les deux. Au même rythme sans trop de différence...comme ce qui était prévu...à ne rien y comprendre.

Un mot sur la discipline tout de même: bien que cela ce soit mal passé j'ai vraiment apprécié ce sport, ce cadre grandiose et je suis convaincu que des épreuves de swimrun vont éclore un peu partout. C'est un sport génial, une aventure comme le disent Mats et Mickael les directeurs de course. Cette épreuve est vraiment exceptionnelle et j'invite tout le monde à venir ici défier la vallée de l'Engadin. Mieux que la course, que le trail, que le triathlon: welcome SwimRun ! #WeSwimRun

Le 17 Jul 2015 Arthur a dit:

Il est trop facile de ne supporter que tes nombreuses performances de qualité. Désolé de lire ta déception sur cette course qui a vraiment l'air magnifique. Magnifique et difficile. Et malgré la moindre perf vous êtes loin de la fin de course, et moins d'une heure d’écart avec le champion du monde sur 7h00 de course, c'est encore bon.

Les quelques fois que j'ai vécu à moindre échelle cette sensation de ne pas pouvoir respirer, c'est toujours le combo perdant: eau froide et combi trop serrée. Surtout combi trop serrée même si c'est juste un petit peu.

Bravo de t’être battu et à Enzo d'avoir fait un super job de super teammate. Et merci pour les photos. Dommage que je nage comme une vache suisse je ferai bien cette course un jour.

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