Marathon de New-York

Retour à NYC ! 6 ans après ce chrono, inespéré à l'époque, de 2h42'54 et qui reste jusqu'ici ma meilleure performance sur la distance. Je sais que je suis très en forme, a priori plus fort que je ne l'ai jamais été donc je viens ici avec une grosse ambition et compte bien faire tomber (enfin) la barre des 2h40.

Un mot sur le contexte d'abord. Les américains savent y faire pour magnifier un événement comme celui, depuis plusieurs jours ils en font des tonnes à la télé et dans la rue. Quand on est ici on sent bien qu'on participe à un événement hors norme. La pression monte dans la ville à grands renforts d'affiches, de publicités et de promos. Depuis quelques jours aussi ils annoncent une "AccuWeather Alert" pour le jour J: temps très frais (entre 0 et 4 degrés Celsius) et grosses rafales de vent (65kms/h) venant du Nord...exactement dans le sens contraire des deux tiers du parcours. Tout le monde fait une croix sur le chrono, de mon côté je sens que j'ai un peu de marge sur les 2h40 donc je reste sur cet objectif mais je sais que ça va être très difficile. Bon et puis NYC c'est aussi l'interminable attente du départ sur Staten Island: trois heures, voire plus, transi de froid, immobile, à attendre le départ. JB qui m'accompagne attendra même une heure de plus, la température ressentie avoisine le -1 degré Celsius. Il faut vraiment être prévoyant et apporter plusieurs couches de vêtements, à jeter ensuite.

Alors ça y est 3h ont passées, je suis très proche de la ligne de départ dont les flammes ont été enlevées pour cause de vent trop fort. Le plateau élite est présenté à la foule. Je suis juste à côté, j'ai tellement froid que j'attends impatiemment ce fichu coup de départ. La présidente du New York Road Runners prend, enfin, la parole: "Are you ready to run ?" La foule répond, un coup de canon et c'est parti ! Je slalome un peu sur les 500 premiers mètres mais peux rapidement me mettre dans l'allure. Le pont Verrazano est balayé par le vent, je me retrouve rapidement seul et suis littéralement déporté par le vent. Je crains que mon dossard ne s'envole. Néanmoins d'emblée l'allure est bonne, pourtant ça grimpe un peu, je ne suis pas échauffé et ce fichu vent complique énormément la course mais je suis sur une allure de 3'43/km. Le premier semi est assez roulant et le deuxième vraiment compliqué donc j'ai décidé de partir sur l'allure initiale de 6'00/mile (3'43/km) ce qui devrait me permettre d'aborder ce deuxième semi avec une légère avance. Tout se passe très bien sur ces 3 premiers miles, je tourne à 80% de ma FCM et à 3'36/km de moyenne. J'ai beau faire des efforts pour lever le pied j'avance un peu trop vite mais tout va bien. Encore une fois les New Yorkais ne dérogent pas à leur réputation, il y a énormément de monde dans les rues pour nous encourager, donner de la voix et faire preuve d'une imagination débordante dans les panneaux destinés à nous motiver. Du 4ème au 8ème mile, cette interminable ligne droite, des groupes se forment pour s'abriter un peu du vent. Je trouve ma place et parcours toute cette portion en 3'42/km, vers 82% de FCM.

Au 8ème mile je me fais doubler par mascher0, le coureur qui m'a déjà rattrapé aux 20kms de Paris 3 semaines plus tôt. Il me confie que compte tenu des conditions il a fait une croix sur le chrono de son côté (initialement prévu sous les 2h35), je le laisse partir et poursuis ma course en restant concentré sur l'allure. Toujours énormément de monde dans les rues et bruyants qui plus est. Les bénévoles des ravitaillements sont également des supporters qui encouragent notre passage. Ambiance incroyable. Je laisse volontairement quelques secondes dans les parties les moins favorables. A l'approche du semi, passé pile dans le tempo prévu en 1h18'28, je commence à sentir que l'aisance n'est plus aussi présente qu'elle devrait l'être dans cette allure. La route est encore longue pourtant et le parcours à venir bien plus compliqué. Je réduis un peu la voilure en tentant de me caler sur 3'47/km soit l'allure cible du sub 2h40, étant donné ma petite avance ça pourrait le faire et j'espère que je vais tenir le coup. Je traverse donc le Queens à cette allure, toujours autant de monde dans les rues, et me voila à l'assaut du Queensboro. Ce pont me coupe littéralement les jambes, la montée est interminable, l'absence de public ne facilite pas les choses. Je sais que je perds du temps mais je suis dans la même allure que mes compagnons de route donc rien d'anormal. Une fois en haut je respire un peu mais je sens bien que l'ascension m'a entamé. Heureusement la descente me permet de récupérer et au bout de cette descente c'est Manhattan ! Ambiance de dingue ici, le bruit de la foule ne peut pas laisser indifférent. Ca me rebooste énormément et j'attaque de plus belle la 1ère avenue.

Hélas le vent a vite raison de mon enthousiasme, il me souffle droit dessus. Je suis complètement isolé et subis totalement les rafales qui viennent du Nord-Nord-Ouest. L'allure est immanquablement sanctionnée sur toute cette remontée de la 1ère avenue, beaucoup trop longue à mon goût. Je tourne en 3'50/km et puise donc dans mon avance qui fond comme neige au soleil. Parfois le vent me déporte complètement, je comprends que ça va être extrêmement serré pour moi car au rythme où disparait mon avance je risque de dire adieu aux 2h40. Je serre les dents et attends le passage dans le Bronx car ensuite il faut reprendre Manhattan dans l'autre sens et le vent pourra peut-être m'aider. Passage éclair dans le Bronx, enfin façon de parler car je suis à 3'54/km (84% FCM) et musculairement ça devient vraiment difficile. Je sens bien que j'ai laissé beaucoup de forces dans la lutte contre Eole jusqu'ici et je m'apprête à une fin de course des plus compliquées.

Retour sur Manhattan donc, j'essaye de maintenir un semblant d'allure mais ne fais que limiter les dégâts. 3'49/km au passage du panneau "22ème mile", un poil trop lent...c'est difficile et il reste encore 4 miles ! A la mesure de ce que me permet mon cerveau à ce moment de la course je fais des calculs sur mon temps d'arrivée et constate rapidement que l'avance que j'avais au semi n'existe presque plus. Si je ne me remets pas dans l'allure maintenant je peux dire adieu au sub 2h40. Mile suivant bouclé à 3'45/km, c'est mieux mais ça me demande beaucoup d'efforts. Je cogite énormément, je sais que l'approche de l'arrivée me redonnera des forces et que c'est maintenant que je dois m'accrocher. Je me dis que même si le sub 2h40 n'est pas au rendez vous un PR est presque assuré mais je balaye rapidement cette idée de mon esprit car elle m'incite presque à baisser les bras. Cette foutue 5ème avenue n'est pas plate du tout il faut constamment relancer, ma foulée n'est absolument pas instinctive. Je cherche du regard le virage à droite qui me fera rentrer dans Central Park mais tout ce que je vois c'est cette satanée 5ème avenue qui n'en finit plus. Dénivelé très défavorable sur cette portion, je suis à 3'49/km et 86% de ma FCM.

Enfin me voila dans Central Park ! J'entends toujours beaucoup d'encouragements et plus particulièrement des encouragements français depuis quelques temps. Je me suis peins des drapeaux tricolores sur le visage et, bien que je ne puisse répondre, les nombreux soutiens qu'ils me procurent font énormément de bien. "Allez la France !" "Vive la France" "Go Les bleus" Tout ça m'est destiné je le sais. Je sais aussi que je dois me donner à fond maintenant pour atteindre mon objectif. Central Park n'est pas plat, loin s'en faut, néanmoins je progresse à la recherche du panneau 25. Là je donne tout ce que j'ai, je ne veux pas regretter quelques secondes perdues dans à peine 10 minutes. Enfin je le vois ce panneau, je boucle ce mile en 3'43/km...c'est bon ça tu tiens le bon bout. Un mile à tenir ! Mes cuisses deviennent vraiment douloureuses, côté cardiaque ça tient le coup (87% FCM) mais musculairement je suis pas loin du KO technique. Pourtant, comme prévu finalement, ce dernier mile me donne des ailes. Je souffre mais j'avance bien, je remonte beaucoup de coureurs qui coincent. Colombus Circus me semble être au bout du monde mais je m'accroche. J'ai mal mais je sais que la fin approche. Virage à droite et retour dans Central Park, je relance pour doubler un coureur au maillot tricolore: une place de gagnée dans l'honorifique classement franco-français. Bordel mais ça remonte encore ! Mes yeux scrutent les virages en cherchant l'arrivée. J'harangue un peu la foule, j'en ai besoin. Ca remonte mais je sais déjà que c'est gagné je suis à 3'28/km sur ce mile c'est bien plus qu'il n'en faut. Et enfin là voila: derrière un virage à gauche cette arche d'arrivée qui me fait courir depuis 42kms. Je lève les bras en pensant aux photos finish mais la forme n'y est pas je suis cuit. Je passe la ligne, heureux mais calciné, en 2h39'32. Objectif atteint mais quelle course difficile, les conditions climatiques, le parcours...un vrai chemin de croix. A peine l'arrivée passée mes cuisses explosent, j'ai vraiment très mal. Je fais quelques photos avec la médaille mais réalise que je ne peux pas marcher sans m'arrêter tous les trois mètres. La croix rouge vient me chercher en fauteuil roulant pour une séance de massage au chaud qui me remettra sur pied en 10 minutes. C'est bien la première fois que j'ai besoin de ce type d'assistance. Preuve s'il en est que je ne pouvais pas faire mieux aujourd'hui, j'ai vraiment été au bout.

Je rentre à l'hôtel ravi de ma course, extrêmement dure mais avec un sub 2h40 à la clé c'est tout simplement dingue ! Sous mon poncho (extra au passage) j'apprends que la course s'est gagnée en 2h10'51, c'est de loin l'édition la plus lente depuis près de 10 ans. Le temps moyen des arrivants est également bien plus lent (4h34 contre 4h13 l'année précédente), néanmoins 50.000 courageux sont allés au bout aujourd'hui. J'en fais partie et je suis vraiment satisfait de ma course, j'ai souffert aujourd'hui mais je suis vraiment heureux. Côté classements je termine 114ème au scratch, 99ème homme, 39ème SH et 5ème français sur un peu plus de 50 000 arrivants. Malgré une météo des plus capricieuses cette édition 2014 du marathon de NYC est finalement un excellent cru !

Photos: Marathon Foto

Le 06 Nov 2014 Antony a dit:

Encore un grand bravo pour la course (mahoosive PR baby!) et pour le compte-rendu ! J'ai toutes les indications et les allures qui vont bien pour bien gérer ma course l'an prochain ^^

Le 06 Nov 2014 Max a dit:

J'ai vu les images a la télé c'est dément comment ça soufflait, monstrueux de sortir le <2h40 dans ces conditions; Tu peux facile enlever 3-4 minutes dans de meilleures conditions, je suis épaté. Fier d'ètre ton pote aussi

Le 06 Nov 2014 yannick a dit:

t'as bien grandi !
un grand respect pour ton chrono dans ces conditions , bravo et merci de nous faire partager tout cela

Le 07 Nov 2014 Arthur a dit:

Tu as en effet l'air bien esseulé sur la plupart des photos. Un marathon sans drafting c'est beau. Fais les citations: "chrono inespéré, événement hors norme, grosses rafales, l'allure est bonne, ambiance incroyable, Nord-Nord-Ouest ça m'est destiné. Colombus Circus je m'accroche, la fin approche, j'harangue, je suis cuit, heureux mais calciné. Un vrai chemin de croix rouge vient me chercher. 114, 99, 39 et 5, 50 000, 2014."

Le 07 Nov 2014 Michel a dit:

Bravo mon grand. Joli compte rendu et super chrono !

Le 07 Nov 2014 Alex a dit:

On se conait pas mais là c'est impossible de pas réagir. Perf monstrueuse !
Les conditions t'ont compliquer la tâche tu peux aller encore plus vite. 5ème français c'est monstrueux bravo !!!

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